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A la rencontre des Mennonites de Salm

  • Lavoyageusebruchoise
  • 7 août 2024
  • 10 min de lecture

Dernière mise à jour : 12 janv.

Au cœur de la vallée de la Bruche, niché dans les paysages verdoyants des Vosges alsaciennes, se trouve le hameau de Salm, un lieu chargé d’une histoire unique et fascinante. Dès 1684, des mentions d'une communauté chrétienne anabaptiste vivant dans cette région commencent à apparaître. Cependant, ce n'est qu'au début du XVIIIe siècle que les mennonites, fuyant les persécutions religieuses en Suisse, s'y installent durablement. Ils recherchent une vie en harmonie avec la nature et trouvent dans cette vallée un refuge paisible.


Les Mennonites suscitent rapidement la curiosité des autochtones grâce à leur mode de vie simple et authentique, centré sur le travail de la terre et la vie communautaire. Leur philosophie de vie prône des valeurs de simplicité, de paix et de fraternité, en se tenant à l'écart des fastes et des conflits qui caractérisent souvent les sociétés plus conventionnelles. Ils refusent le port des armes, le serment d’allégeance, et pratiquent le baptême des adultes ainsi que le lavement mutuel des pieds, soulignant leur engagement envers une foi humble et pacifique.


Installés dans la clairière de Salm, sur un plateau montagneux des Vosges, les Mennonites défrichent la terre avec détermination et apportent avec eux des techniques agricoles avancées. Ils introduisent des pratiques telles que la rotation des cultures et l’élevage de bétail, ce qui améliore la productivité des terres locales. Leur savoir-faire et leur ardeur au travail laissent une empreinte durable sur la région.


En vivant à l'écart des villages, ils créent une communauté soudée et autonome, souvent appelée "la république des anabaptistes". Leur mode de vie attire l'attention et l'admiration, notamment à travers les récits romancés du journaliste parisien Alfred Michiels au XIXe siècle, qui exalte leur sagesse, leur pacifisme, et leur connaissance des plantes médicinales.


Aujourd'hui, les vestiges de cette communauté sont visibles à travers plusieurs sites historiques tels que la Ferme Mennonite de Salm, le Cimetière Mennonite de Salm, et le Chêne de Salm. Ces lieux témoignent de l'histoire riche et de la résilience de cette communauté, offrant aux visiteurs une plongée fascinante dans le passé et les traditions des Mennonites de la vallée de la Bruche.



L’histoire des mennonites en Alsace

Les Mennonites forment une communauté religieuse protestante issue de l'anabaptisme du XVIe siècle. Si leurs racines sont suisses et hollandaises, c'est néanmoins en Alsace et dans le Palatinat que ce mouvement s'est développé au XVIIe siècle, à la suite de violentes répressions. Cela explique l'importance de l'Alsace pour les mennonites d'aujourd'hui. C'est également en Alsace que s'est produit le schisme de Jakob Amman, fondateur du mouvement amish en 1693.


L’arrivée des Mennonites en Alsace

Les Mennonites, originaires de Suisse et des Pays-Bas, tirent leur nom de Menno Simons. Leur mouvement anabaptiste, centré sur le baptême des adultes, s'est développé malgré les persécutions. Chassés de Zurich, ils se sont dispersés en Suisse et en Allemagne du Sud, avant de s'installer en Alsace au XVIIe siècle, où ils ont trouvé une certaine tolérance. Connus sous le nom de "Taüfer", les Mennonites suisses et hollandais, malgré quelques divergences, se considéraient comme appartenant à la même famille spirituelle. Ils ont adopté la Confession de Foi de Dordrecht en 1660 et ont formé une communauté distincte, exemptée de certains devoirs militaires et religieux.


Le schisme d'Amman

À la fin du XVIIe siècle, l'anti-anabaptisme a poussé certains mennonites à se replier sur eux-mêmes. Jakob Amman, un tailleur bernois émigré à Sainte-Marie-aux-Mines, a été central dans cette réaction conservatrice. Il a critiqué les mennonites alsaciens pour leur ouverture et les Suisses pour leur mode de vie relâché. Amman et ses disciples ont adopté des positions strictes pour préserver les institutions, y compris l'excommunication grave assortie de la quarantaine sociale appelée « Meidung ». En 1693, ce conservatisme a causé un schisme parmi les Mennonites, qui demeure encore aujourd'hui. Les communautés alsaciennes sont devenues amish, tandis que les mennonites suisses ont rejeté les idées d'Amman. Peu après, les premiers amish ont émigré aux États-Unis, principalement en Pennsylvanie.


L’installation des mennonites, notamment à Salm

L'édit d'expulsion de 1712 a paradoxalement favorisé la multiplication des lieux d'implantation des Mennonites. Non seulement une petite communauté a continué à demeurer autour de Sainte-Marie-aux-Mines, mais de nouvelles se sont créées dans les principautés de Salm, dans la vallée de la Bruche, ainsi que de Montbéliard, qui n'étaient pas encore françaises. Certaines familles sont également parties s'installer dans le duché de Lorraine. Leurs activités principales étaient l'agriculture, la confection de fromages, l'arboriculture, et la distillation. Parfois, ils étaient tisserands ou meuniers. Ils s'installaient souvent dans des endroits isolés, s'occupant de terres délaissées sur les chaumes pour les transformer en domaines prospères.


Lorsque Salm et Montbéliard furent rattachées à la France en 1793, les Mennonites sont devenus en théorie des citoyens à part entière, avec les mêmes droits, mais aussi les mêmes devoirs, que l'ensemble des Français. Néanmoins, même sous la Terreur, les Mennonites ont pu trouver des accords pour ne pas avoir à porter les armes. Le 19 août 1793, la Convention leur a donné le droit d'occuper des postes qui ne nécessitaient pas d'armes au sein de l'armée, comme ceux de « pionniers » (terrassement) ou de « charrois » (transport). Selon la tradition orale, un chêne fut alors planté à Salm pour commémorer l'événement. Devenu monumental, l'arbre se dresse toujours au milieu de la forêt.


Bien que l'arrêté n'ait été que peu appliqué, ce fut surtout Napoléon Ier qui a infligé un coup sévère à la communauté en refusant toute exemption en leur faveur en 1812. Des délégations et des lettres furent maintes fois envoyées à Paris jusqu'en 1829, sans jamais obtenir gain de cause. Le problème n'était pas seulement le port des armes, mais aussi l'ouverture au monde que provoquait le service militaire, mettant l'identité des Mennonites en péril. Afin de détourner le danger, beaucoup de familles ont choisi d'émigrer. Les autres ont dû s'adapter.


Les Mennonites au XIXe et XXe siècles

Au XIXe siècle, les Mennonites restés en Alsace, après une nouvelle vague d'émigration aux États-Unis, ont commencé à se fondre dans la société. Dans les premiers temps et quand cela était possible, ils ont eu recours à la pratique « d'acheter un remplaçant » pour éviter aux leurs de prendre les armes. Cependant, de telles dépenses ont appauvri considérablement les familles. C'est le déclin des assemblées mennonites alsaciennes. Certains connaissent encore la réussite professionnelle, comme Jacques Klopfenstein de Belfort qui a reçu la médaille d'or de la Société d'agriculture de Paris en 1810. Vers 1850 environ, la quasi-exclusivité mennonite en matière de progrès agricole a disparu.


Cette tolérance explique qu'à cette période des imprimeurs de l'Est de la France ont publié des almanachs « anabaptistes » qui menaient campagne pour les nouveautés de l'époque dans le domaine agricole : assolements, labours profonds, fumure, engrais, soins vétérinaires, etc. Cela montre bien que l'anabaptisme était « vendeur » en tant que science agricole et que leur réputation leur avait donné le rôle d'agriculteur modèle. Les principaux almanachs étaient ceux imprimés par Deckherr Frères à Montbéliard à partir de 1818 (Le Nouvel Anabaptiste ou l'Agriculteur Pratique) et ceux rédigés par Jacques Klopfenstein et publiés par J. P. Clerc à Belfort à partir de 1812 (L'Anabaptiste ou le Cultivateur par expérience). Leur rivalité était notoire.


Au cours du XXe siècle, les Mennonites alsaciens ont repris conscience de leur identité et de leur spécificité. Ils se sont rencontrés de plus en plus fréquemment, ce qui a conduit à la création à Colmar de l'Association des Églises Évangéliques-Mennonites de France en 1925. Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, ils sont devenus très actifs dans le domaine social, ouvrant des maisons pour les handicapés et les personnes âgées. Ils se sont également engagés dans des missions lointaines, comme au Tchad.


Les Mennonites d'Alsace aujourd'hui

L'Alsace reste la région de France qui compte actuellement le plus d'églises mennonites. En 2009, on dénombrait environ 2 100 mennonites baptisés en France. Depuis le milieu du XXe siècle, les mennonites alsaciens ont commencé à quitter les zones rurales pour s'établir en ville. Ceux de Strasbourg ont même acheté un bâtiment rue Wimpheling afin d'accueillir les jeunes Mennonites venus de la campagne pour entreprendre des études universitaires. Ce foyer, qui porte le nom de l'anabaptiste Michael Sattler, est rapidement devenu trop exigu, malgré un agrandissement en 1986. L'église mennonite de Strasbourg se trouve à présent à Illkirch.


Les Mennonites alsaciens sont également loin des images que l'on peut avoir des amish américains. Comme tout le monde, ils ont à présent des loisirs très divers, peuvent boire de l'alcool, regardent la télévision ou possèdent un ordinateur. Ils se sont donc intégrés à la société française. Ils restent cependant encore fermement attachés à certaines institutions et à certaines valeurs, comme le mariage ou le dévouement à la communauté. Ils continuent en outre à avoir une attitude plutôt réservée quant à l'œcuménisme des Églises officielles, même si de grandes avancées ont été faites ces dernières années.



Les vestiges mennonites à Salm


La ferme mennonite de Salm

La ferme mennonite de Salm, également connue sous le nom de « ferme Kupferschmit », est un véritable joyau du patrimoine bruchois. Probablement construite au début du XVIIIe siècle, cette ferme traditionnelle illustre parfaitement l'architecture mennonite avec ses vastes granges et ses toits pentus. Restaurée avec soin par un charmant couple d’allemands, elle offre un témoignage vivant de la vie quotidienne des mennonites.


Durant les journées du patrimoine, au début du mois de septembre, la ferme ouvre ses portes afin de t’offrir une immersion fascinante dans l'histoire et les traditions de cette communauté. Tu peux explorer les différentes parties de la maison qui conserve l’âme de la communauté mennonite et profiter des explications passionnées du maître de maison. La ferme est inscrite sur la liste des monuments historiques depuis 1984.


Le cimetière mennonite de Salm

Les rites mennonites autour du défunt sont marqués par la simplicité et le respect. La préparation du corps et les rites funéraires sont souvent réalisés par des membres de la famille et de la communauté, soulignant l'importance de la solidarité et du soutien mutuel. Les funérailles sont généralement des cérémonies modestes, reflétant les valeurs de sobriété et d'humilité de la communauté.


Le cimetière mennonite de Salm, a probablement été créé peu de temps après l’installation de la communauté à Salm, est un lieu de recueillement et de mémoire où reposent plusieurs générations de mennonites. En effet, les défunts de la communauté n'étant autrefois pas admis dans les cimetières chrétiens, les Mennonites aménagèrent leurs propres lieux de sépulture. A Salm, parmi les personnes inhumées se trouvent Jacob Kupferschmitt, premier objecteur de conscience en France, et Nicolas Augsburger, médecin. Les tombes, simples et discrètes, témoignent de l'humilité et de la piété de cette communauté. Entouré par la nature, ce cimetière offre un repos paisible à ceux dont il est la dernière demeure.


Lors des journées du patrimoine en septembre, tu peux participer à une visite guidée animée par deux passionnés, qui partageront avec toi une multitude d'informations captivantes. Récemment, le cimetière mennonite est devenu la propriété de la Commune de La Broque. Par conséquent, il est accessible toute l'année, à condition de respecter ce lieu et les personnes qui y reposent. Tout comme la ferme voisine, le cimetière mennonite est inscrit sur la liste des monuments historiques depuis 1984.


Le chêne de Salm

Une légende locale raconte que des mennonites plantèrent un chêne, dans une clairière, en mémoire de l’exemption des obligations militaires de 1793. Cette exemption, accordée par le gouvernement, leur permettait de ne pas porter d'armes, ce qui était en accord avec leurs principes pacifistes. Les Mennonites, connus pour leurs croyances religieuses strictes et leur engagement envers la non-violence, considéraient cet arbre comme un symbole important de leur liberté de vivre selon leurs convictions. Ils voyaient en ce chêne non seulement un acte de commémoration, mais aussi un témoignage durable de leur gratitude et de leur dévouement à la paix.



Sur les traces des mennonites en Pays de Bruche


Rencontrer les Mennonites du Pays de Bruche

L’église mennonite de Bourg-Bruche se distingue par son engagement profond envers la spiritualité et la communauté. Elle offre un espace de rencontre et de partage pour tous ceux qui cherchent à vivre une foi authentique et active. Les cultes dominicaux, ouverts à tous, sont centrés sur l'enseignement biblique et la prière, tandis que les diverses activités organisées tout au long de l'année – comme les études bibliques, les groupes de jeunes et les actions caritatives – renforcent les liens entre les membres et avec la société environnante. La simplicité, la paix et la fraternité sont au cœur de chaque initiative, faisant de ces églises un exemple vivant de la tradition mennonite. Tu peux en apprendre davantage en consultant leur site Internet.


Découvrir le sentier du patrimoine mennonite

Le Sentier du Patrimoine Mennonite est une promenade thématique qui permet de parcourir les lieux emblématiques de la communauté, tels que l’ancienne ferme, le cimetière ou encore le gros chêne. Ce sentier est une invitation à découvrir le quotidien des mennonites, leurs pratiques agricoles et leur relation intime avec la nature. Les panneaux informatifs jalonnant le parcours fournissent des détails historiques et culturels, offrant une perspective approfondie sur la vie et les traditions mennonites. Cette randonnée, parfaitement accessible en famille avec des enfants en bas âge, permet de s'immerger dans les paysages pittoresques de la vallée de la Bruche tout en apprenant sur l'histoire de cette communauté. Pour plus d'informations, consultez la page dédiée au Sentier du Patrimoine Mennonite sur le site de l’office du tourisme de la Vallée de la Bruche.


Découvrir en détail les lieux mennonites

Lors des journées du patrimoine, la ferme mennonite de Salm ouvre ses portes aux visiteurs, t'offrant ainsi une opportunité unique et précieuse de découvrir cette ferme traditionnelle de l'intérieur. C'est une occasion rare de plonger au cœur de l'histoire et de la culture mennonite. Des visites guidées passionnantes et détaillées sont organisées, te permettant non seulement de comprendre l'architecture unique de la ferme, mais aussi d'explorer les pratiques agricoles ancestrales et le mode de vie quotidien des mennonites.


De plus, le cimetière mennonite de Salm fait aussi l'objet de visites guidées enrichissantes, où tu peux en apprendre davantage non seulement sur les rites funéraires et les traditions funéraires, mais aussi sur l'histoire riche et complexe de cette communauté. Ces visites offrent une perspective approfondie et respectueuse sur un mode de vie qui a traversé les siècles. En 2024, les journées du patrimoine se tiendront les samedi 21 et dimanche 22 septembre 2024.



La vallée de la Bruche, avec ses paysages enchanteurs et son riche patrimoine, offre une plongée fascinante dans l'histoire des Mennonites. Leur présence en ces lieux a laissé une empreinte durable, autant sur les pratiques agricoles que sur la culture locale. En visitant les vestiges de cette communauté, comme la ferme mennonite de Salm ou le cimetière mennonite, tu découvriras non seulement l'histoire de ces pionniers de la paix et de la simplicité, mais aussi la résilience et l'ingéniosité qui les ont caractérisés.


Pour aller plus loin dans la découverte de cette communauté, je te recommande la lecture de l'ouvrage de Françoise Fischer-Naas, "Les assemblées anabaptistes-mennonites de la Haute-Vallée de la Bruche (1708-1870)", publié par l'Université de Strasbourg en 2010. Cette thèse, rédigée par une enfant du pays, offre une analyse détaillée et érudite de l'histoire et des pratiques des Mennonites dans cette région. Avec ses deux volumes de 500 et 220 pages, ce livre est une ressource précieuse pour quiconque souhaite approfondir ses connaissances sur ce sujet fascinant.


🗨️ Connais-tu l’histoire des Mennonites de Salm ?


[Mise à jour : Août 2024]

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